Il y a 10 ans : « Nero Nemesis » et « My World », bouleversaient le rap français

Qu’écoutiez-vous il y a tout juste dix ans ? Peut-être aviez-vous dans les oreilles, pour la première fois, un des deux classiques, qui allaient construire le rap français des années à venir. Le vendredi 4 décembre 2015, sur les plateformes de streaming, Nero Nemesis de Booba et My World de Jul étaient publiés. Si aujourd’hui le premier est certifié double disque de platine et le second disque de diamant, à l’époque personne ne s’attendait vraiment à l’ampleur de l’impact de ces deux albums.

« Nero Nemesis », une trap intemporelle

Nero Nemesis, huitième disque de la carrière de Booba, s’inscrit comme précurseur au sein de son époque. Rythmé par des productions trap, genre majoritaire dans le rap de 2015, Nero Nemesis utilise les outils commerciaux tout en gardant une certaine singularité. Cette singularité passe évidemment par Booba, qui invente et réinvente des toplines intemporelles, rendant l’album encore appréciable dix ans après. Des titres légendaires comme 92I Veyron ou Validée, en sont le parfait exemple. Comme beaucoup d’autres pistes, ils montrent bien la maîtrise de l’autotune par Booba et traversent le temps sans une ride.

Dans ses textes, Booba est partagé entre introspection, ego trip et dénonciations. Des thèmes soulignés par son interprétation parfois dans la rage pure du kickage et dans la douceur des mélodies à d’autres moments. Pour augmenter la visibilité de son album, Booba invite en feat Siboy, Benash, Twinsmatic, Damso et Gato. Nero Nemesis complète l’ascension du rappeur de Boulogne. En avril, Booba avait déjà sorti l’album D.U.C et il remplira Bercy, le 5 décembre, le lendemain de la sortie de Nero Nemesis.

« My World », la recette à hits

800 km au sud, Jul fait aussi des siennes. Contrairement à Booba, le J a encore besoin de confirmer son statut dans le rap français, et il va le faire avec My World. Début 2015, après avoir publié un premier Album gratuit, il revient vite avec l’album Je tourne en rond. Jul prépare son terrain et devient une des têtes à suivre en 2015. Quand il conclut son année avec My World, le rappeur s’installe définitivement sur le toit du rap marseillais.

Dans un album de plus d’une heure, Jul propose hit sur hit (« En Y », « Wesh alors »,…). Bien qu’il soit plus difficilement à réécouter que Nero Nemesis, notamment à cause du manque de cohérence, My World va s’installer au milieu de la trap parisienne. Avec ses rythmiques dansantes, sa voix autotunée et chantée, Jul lance un mouvement artistique qui perdure encore aujourd’hui dans le rap français. Si loin et en même temps si proche des IAM, Fonky Family ou Psy 4 de la rime, … le J redéfinit totalement l’image du rap marseillais.

Une année de bascule créative

Comme le développe le magazine Mosaïque dans son numéro 9, « 2015, 10 ANS DE RAP », l’année est un tournant pour le rap français. La manière d’écouter, de créer, de vendre, de communiquer, tout a changé. Beaucoup de projets et d’artistes de cette année 2015 sont aujourd’hui des références, des têtes d’affiche, des classiques. Nero Nemesis et My World se placent comme têtes de proue de ce mouvement. Et si les deux albums ont tous ravagé le 4 décembre, d’autres projets reconnus sont sortis ce jour-là comme Le Rohff Gameet la réédition de Feu de Nekfeu. En ce début décembre, est-il possible de dire que 2025 sera aussi un tournant ? La suite nous le dira…